JOURNAL ANCIEN LE VOLEUR
Journal le Voleur N° 1109 du 4 octobre 1878
Cabinet de lecture universel
L"insurrection des Canaques
Légende de la gravure : Le grand chef Ataï, promoteur de l'insurrection canaque.
Il n'est sans doute aucun de nos lecteurs qui ne connaisse soit par les récits des journaux quotidiens, soit par l'écho de la voix publique les massacres qui ont récemment jeté le deuil et la terreur dans notre colonie pénitentiaire de la Nouvelle-Calédonie. L'insurrection des indigènes a éclaté comme un coup de foudre et à coûté la vie à plus de quatre-vingts colons ou militaires de la garnison. Les rebelles n'épargnaient personne, et leurs victimes les plus nombreuses on été des femmes et des enfants.
Cabinet de lecture universel
L"insurrection des Canaques
Légende de la gravure : Le grand chef Ataï, promoteur de l'insurrection canaque.
Il n'est sans doute aucun de nos lecteurs qui ne connaisse soit par les récits des journaux quotidiens, soit par l'écho de la voix publique les massacres qui ont récemment jeté le deuil et la terreur dans notre colonie pénitentiaire de la Nouvelle-Calédonie. L'insurrection des indigènes a éclaté comme un coup de foudre et à coûté la vie à plus de quatre-vingts colons ou militaires de la garnison. Les rebelles n'épargnaient personne, et leurs victimes les plus nombreuses on été des femmes et des enfants.
L'instigateur de l'insurrection néocalédonienne se nommait Ataï. Il était chef d'une des moins importantes tribus du bassin de la Foa. Cette tribu comprends cinq villages et ne peut guère mettre sur pied plus de soixante hommes. Mais l'influence d'Ataï était beaucoup plus grande que sa puissance. Elle s'étendait sur le bassin entier de la Foa, et les chefs de toutes les tribus de cette région subissaient son ascendant, qu'il devait à son énergie, à son intélligence et à sa haine des Français, à l'autorité desquels il n'avait jamais voulu se soumettre entièrement. C'était un homme au coeur de bronze, comme le corps, à la tête puissante, aux traits accentués, labourés de rides, à la tête crépue : une chevelure moins qu'une crinière, crinière de lion noir. Heureusement pour nous, malheureusement pour les Canaques, il a été tué le 1er septembre dans une rencontre avec nos troupes, et sa mort paraît avoir eu pour effet de désorganiser la révolte, dont la répression est aujourd'hui en voie d'accomplissement, et don la châtiment ne se fera pas attendre. A la date des dernières nouvelles, les insurgés étaient cernés dans les montagnes où ils avaient cherché un refuge.
Ataï
Dans la seconde partie du 19ème siècle, s'implante dans la région de la Foa, un centre de colonisation important avec un puissant établissement pénitentiaire.
Ataï
Dans la seconde partie du 19ème siècle, s'implante dans la région de la Foa, un centre de colonisation important avec un puissant établissement pénitentiaire.
Ataï, chef de cette région, est de ceux qui s'opposent aux spoliations foncières et à la divagation du bétail des colons, qui détruit les cultures d'ignames et les tarodières, ce qui oblige les Kanak à abandonner leurs terres ancestrales pour chercher refuge toujours plus en amont de la vallée.
Au gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, Léopolde de Pritzbuer, qui lui conseille d'édifier des clôtures pour protéger ses champs, Ataï répond : "Lorsque mes taros iront manger les bœufs, je construirai des barrières." Convoqué par ce gouverneur à la demande de l'administrateur local qui se plaint de lui, il arrive avec deux petits sacs qu'ils vide devant lui et dit, en montrant le tas de bonne terre du premier sac : "voici ce qu'on avait", puis montrant le tas de cailloux de l'autre sac : "voici ce que tu nous laisses !". N'admettant ni l'implantation coloniale ni l'ordre nouveau qui lui est imposé, il refuse de faire allégeance. Au gouverneur qui lui demande d'ôter sa casquette lorsqu'il est en sa présence il répond : "Quand tu auras quitté la tienne, j'ôterai la mienne."
En 1876, l'administration décide de marquer les limites dans lesquelles les Kanak doivent être maintenus ; c'est le signal d'une révolte de grande ampleur menée par Ataï.