PHARE AMEDEE
Cet édifice a été exécuté par ordre de S.E. Mr Prosper de CASSELOUP-LAUBAT Ministre de la Marine et des Colonies
sur les dessins de Mr Léonce Reynaud - Directeur des Phares
et sous la direction de
MM. V. CHEVALLIER et E. ALLARD ingénieur en chef des ponts et chaussés
par Mr RIGOLET Constructeur
Paris 1862
Le livre "Le phare Amédée. Lumière de Paris & de Nouvelle-Calédonie" paraît en coédition des Éditions Point de vues et du Musée de l'histoire maritime de Nouvelle-Calédonie. (© Le phare Amédée par Vincent Guigueno et Valérie Vattier).
DE L'HYDROGRAPHIE AU BALISAGE
Au milieu du 19ème siècle, les récifs coralliens qui ceinture la Nouvelle-Calédonie ne favorise pas le développement du trafic maritime. En dépit de la nomination du premier pilote, le nombre de naufrages aux abords de la toute nouvelle colonie française ne cesse d'augmenter. On déplore ainsi la pertes de plusieurs navires de commerce -essentiellement anglo-saxons- et de deux corvettes françaises, la Seine en 1846 et l'Aventure en 1855.
Sur la base des premières cartes dressées dès la fin du 18ème siècle, le jeune ingénieur-hydrographe Bouquet de la Grye effectue entre 1854 et 1857 une reconnaissance fine des passes et des fonds de la Nouvelle-Calédonie. La diffusion de ses nouvelles cartes et d'instructions nautiques permettent d'envisager l'éclairage des atterrissages et des passes de Port-de-France, réclamé par plusieurs rapports d'officiers de la Marine.
Nommé en 1861 président de la Commission des phares pour la Nouvelle-Calédonie, le capitaine de vaisseau Saisset, ancien gouverneur des Etablissements Français de l'Océanie, formule plusieurs propositions :
sur les dessins de Mr Léonce Reynaud - Directeur des Phares
et sous la direction de
MM. V. CHEVALLIER et E. ALLARD ingénieur en chef des ponts et chaussés
par Mr RIGOLET Constructeur
Paris 1862
Le livre "Le phare Amédée. Lumière de Paris & de Nouvelle-Calédonie" paraît en coédition des Éditions Point de vues et du Musée de l'histoire maritime de Nouvelle-Calédonie. (© Le phare Amédée par Vincent Guigueno et Valérie Vattier).
DE L'HYDROGRAPHIE AU BALISAGE
Au milieu du 19ème siècle, les récifs coralliens qui ceinture la Nouvelle-Calédonie ne favorise pas le développement du trafic maritime. En dépit de la nomination du premier pilote, le nombre de naufrages aux abords de la toute nouvelle colonie française ne cesse d'augmenter. On déplore ainsi la pertes de plusieurs navires de commerce -essentiellement anglo-saxons- et de deux corvettes françaises, la Seine en 1846 et l'Aventure en 1855.
Sur la base des premières cartes dressées dès la fin du 18ème siècle, le jeune ingénieur-hydrographe Bouquet de la Grye effectue entre 1854 et 1857 une reconnaissance fine des passes et des fonds de la Nouvelle-Calédonie. La diffusion de ses nouvelles cartes et d'instructions nautiques permettent d'envisager l'éclairage des atterrissages et des passes de Port-de-France, réclamé par plusieurs rapports d'officiers de la Marine.
Nommé en 1861 président de la Commission des phares pour la Nouvelle-Calédonie, le capitaine de vaisseau Saisset, ancien gouverneur des Etablissements Français de l'Océanie, formule plusieurs propositions :
- placer un feu fixe blanc contre la face ouest du sémaphore situé sur les hauteurs de Port-de-France,
- remplacer le signal provisoire de l'île du Signal (*) par une tour en maçonnerie de dix mètres,
- compléter les trois stations de pilotes existantes (île des Pins, île Ouen, Port-de-France) par un quatrième poste situé sur l'île du Signal (*). Il émet également le voeu de construire sur l'île des Pins un phare de premier ordre, une proposition qui sera vite écartée.
GENESE D'UN PHARE
Le 2 avril 1861, le Conseil des travaux de la Marine, compétent pour les ouvrages à construire sur les côtes de la Nouvelle-Calédonie, prend acte de la nécessité d'éclairer les abords de Port-de France. Il décide de séparer deux questions fondamentales : où et comment construire le phare qui éclairera les passes de la colonie naissante ?
Le premier problème est confié à une commission spéciale, réunie à Paris, où le capitaine de vaisseau Saisset et l'hydrographe Bouquet de la Grye s'opposent sur le meilleur emplacement : faut-il éclairer la passe du Boulary (*), plus favorable pour la navigation à voile, ou bien renforcer la signalisation de l'île du signal (*), déjà balisé par un échafaudage de bois ? Le 28 juin la commission spéciale donne raison à Bouquet de la Grye en choisissant d'ériger un phare de premier ordre sur l'îlot Amède (*) situé en face de la passe du Boulary (*).
Dans le même temps, la Commission des phares, créée en 1811 pour coordonner la politique nationale maritime, est saisie sur les questions de construction. Dans son rapport du 19 juillet 1861, le directeur du Service des phares, Léonce Reynaud, indique que la Commission préconise la construction d'un feu fixe de premier ordre, porté par une tour en tôle de 45 mètres. Le choix du fer, déjà employé par les ingénieurs Anglais et dans des ouvrages mineurs en France, est légitimé par les faiblesses supposées des ressources humaines et matérielles de la colonie.
AMEDEE, UN PHARE NE A PARIS
La construction du phare Amédée répond aux besoins de signalisation de la Nouvelle-Calédonie au début des années 1860. Mais elle est également intimement liée à la situation de l'industrie des phares à Paris. Après l'équipement des côtes de France, selon un programme établi en 1825, la France a acquis une position dominante en matière d'éclairage maritime grâce à ses constructeurs, les entreprises Sautter et Henry-Lepaute. En 1862, une troisième entreprise voit le jour, Barbier et Fenestre.
Dans un contexte de mondialisation de l'éclairage maritime, le long des routes du commerce et des cotes coloniales, l'idée de fournir des phares ''clef en main'' fait son chemin. Des entrepreneurs spécialisés dans la construction métallique, tel Rigolet à qui l'on confie le projet du phare Amédée, proposent des édifices qui peuvent être installés quel que soit le lieu, le "mécano de fer" permettant de s'affranchir des ressources locales.
Démonté, mis en caisse -pas moins de 400-, chargé au Havre à bord de l'Emilie-Pereire en Mai 1864, le phare s'embarque pour un voyage de trois mois vers Port-de-France. Quelques semaines plus tard, un ingénieur colonial, Stanislas Bertin, conducteur des Ponts et Chaussées affecté au Service des phares, quitte Marseille pour rejoindre la Colonie afin de superviser le remontage.
HISTOIRE D'UN CHANTIER
Le 25 septembre 1864, l'ingénieur Stanislas BERTIN fait route à bord de la goélette la Calédonienne en direction de l'ilôt Amédé. La traversée va durer 24 heurs. Seuls les serpents et les oiseaux de mer habitent ce site couvert de sable madréporique ou des palétuviers, quelques pins et des figuiers sauvages poussent au milieu d'herbes desséchées.
Très rapidement, le travail s'organise avec l'ensemble des ouvriers : 20 homme les premiers jours, puis 40 les semaines suivantes, le recrutement s'effectue essentiellement dans les colonies, parmi les soldats d'infanterie de Marine. Une dizaine d'ouvriers indigènes et 6 forçat compléterons les effectifs. Sous la direction de l'ingénieur, ils procèdent aux sondages et au nettoyage de la végétation avant d'entreprendre les premières constructions. Un débarcadère en bois, prolonge par une voie ferrée jusqu'a l'entrée principale du phare, permet le déchargement des matériaux depuis l'Iphigenie.
Entre la cérémonie officielle de pose du premier patin en fonte de la tour, le 18 janvier 1865 et l'inauguration du phare par le gouverneur GUILLAIN 10 mois plus tard, la construction du phare, monté pièce par pièce, étage après étage, n'est interrompu que par 2 violentes tempêtes, en mars et en juin. Aucun incident n'est à déplorer, si ce n'est la blessure sans gravité d'un des détenus, causée par la chute d'une plaque métallique depuis le troisième étage.
UN HOMME DE FER : Léonce Reynaud (1803-1880)
L'homme qui impose la construction d'une tour en tôle sur l'îlot Amédée n'est pas un novice en matière d'architecture des phares. Renvoyé de l'Ecole Polytechnique en 1822, Léonce Reynaud se destine au métier d'architecte, qu'il apprend aux Beaux Arts et en Italie. En 1830, il est réintégré dans le corps des Ponts et Chaussées par la monarchie de juillet. Il rencontre Léonor Fresnel, le frère du savant, qui lui confie la construction d'un phare en mer, les Héaux de Bréhat. Reynaud accepte et dessine un phare combinant les robustes techniques constructives des ingénieurs britanniques et un soucis de légèreté et d'ornementation.
Le succès du chantier des Héaux de Bréhat ouvre à Reynaud une belle carrière. En 1837, alors que le phare n'est pas encore allumé, il est nommé professeur d'architecture à l'Ecole polytechnique et se marie. On comprend que l'ingénieur air marqué d'une pierre blanche cette année. "La fortune vint en quelque sorte me chercher dans cette solitude, écrit-il. Aussi ai-je gardé de Bréhat le doux et cher souvenir qui s'attache aux lieux témoins des premiers succès, du premier bonheur."
Reynaud prend la direction du Service des phares en 1846. Il la conservera jusqu'à sa retraite en 1878, dessinant la plupart des phares des côtes de France et des colonies. son enseignement, influencé par les grandes doctrines architecturales du 19ème siècle, permet de comprendre son classicisme et son goût de l'innovation qui prends corps dans la première gare du Nord et le phare Amédée.
(*) île du Signal, îlot Amède et passe du Boulary deviendront par la suite îlot Signal, îlot Amédée et passe de Boulari.
Le 2 avril 1861, le Conseil des travaux de la Marine, compétent pour les ouvrages à construire sur les côtes de la Nouvelle-Calédonie, prend acte de la nécessité d'éclairer les abords de Port-de France. Il décide de séparer deux questions fondamentales : où et comment construire le phare qui éclairera les passes de la colonie naissante ?
Le premier problème est confié à une commission spéciale, réunie à Paris, où le capitaine de vaisseau Saisset et l'hydrographe Bouquet de la Grye s'opposent sur le meilleur emplacement : faut-il éclairer la passe du Boulary (*), plus favorable pour la navigation à voile, ou bien renforcer la signalisation de l'île du signal (*), déjà balisé par un échafaudage de bois ? Le 28 juin la commission spéciale donne raison à Bouquet de la Grye en choisissant d'ériger un phare de premier ordre sur l'îlot Amède (*) situé en face de la passe du Boulary (*).
Dans le même temps, la Commission des phares, créée en 1811 pour coordonner la politique nationale maritime, est saisie sur les questions de construction. Dans son rapport du 19 juillet 1861, le directeur du Service des phares, Léonce Reynaud, indique que la Commission préconise la construction d'un feu fixe de premier ordre, porté par une tour en tôle de 45 mètres. Le choix du fer, déjà employé par les ingénieurs Anglais et dans des ouvrages mineurs en France, est légitimé par les faiblesses supposées des ressources humaines et matérielles de la colonie.
AMEDEE, UN PHARE NE A PARIS
La construction du phare Amédée répond aux besoins de signalisation de la Nouvelle-Calédonie au début des années 1860. Mais elle est également intimement liée à la situation de l'industrie des phares à Paris. Après l'équipement des côtes de France, selon un programme établi en 1825, la France a acquis une position dominante en matière d'éclairage maritime grâce à ses constructeurs, les entreprises Sautter et Henry-Lepaute. En 1862, une troisième entreprise voit le jour, Barbier et Fenestre.
Dans un contexte de mondialisation de l'éclairage maritime, le long des routes du commerce et des cotes coloniales, l'idée de fournir des phares ''clef en main'' fait son chemin. Des entrepreneurs spécialisés dans la construction métallique, tel Rigolet à qui l'on confie le projet du phare Amédée, proposent des édifices qui peuvent être installés quel que soit le lieu, le "mécano de fer" permettant de s'affranchir des ressources locales.
Démonté, mis en caisse -pas moins de 400-, chargé au Havre à bord de l'Emilie-Pereire en Mai 1864, le phare s'embarque pour un voyage de trois mois vers Port-de-France. Quelques semaines plus tard, un ingénieur colonial, Stanislas Bertin, conducteur des Ponts et Chaussées affecté au Service des phares, quitte Marseille pour rejoindre la Colonie afin de superviser le remontage.
HISTOIRE D'UN CHANTIER
Le 25 septembre 1864, l'ingénieur Stanislas BERTIN fait route à bord de la goélette la Calédonienne en direction de l'ilôt Amédé. La traversée va durer 24 heurs. Seuls les serpents et les oiseaux de mer habitent ce site couvert de sable madréporique ou des palétuviers, quelques pins et des figuiers sauvages poussent au milieu d'herbes desséchées.
Très rapidement, le travail s'organise avec l'ensemble des ouvriers : 20 homme les premiers jours, puis 40 les semaines suivantes, le recrutement s'effectue essentiellement dans les colonies, parmi les soldats d'infanterie de Marine. Une dizaine d'ouvriers indigènes et 6 forçat compléterons les effectifs. Sous la direction de l'ingénieur, ils procèdent aux sondages et au nettoyage de la végétation avant d'entreprendre les premières constructions. Un débarcadère en bois, prolonge par une voie ferrée jusqu'a l'entrée principale du phare, permet le déchargement des matériaux depuis l'Iphigenie.
Entre la cérémonie officielle de pose du premier patin en fonte de la tour, le 18 janvier 1865 et l'inauguration du phare par le gouverneur GUILLAIN 10 mois plus tard, la construction du phare, monté pièce par pièce, étage après étage, n'est interrompu que par 2 violentes tempêtes, en mars et en juin. Aucun incident n'est à déplorer, si ce n'est la blessure sans gravité d'un des détenus, causée par la chute d'une plaque métallique depuis le troisième étage.
UN HOMME DE FER : Léonce Reynaud (1803-1880)
L'homme qui impose la construction d'une tour en tôle sur l'îlot Amédée n'est pas un novice en matière d'architecture des phares. Renvoyé de l'Ecole Polytechnique en 1822, Léonce Reynaud se destine au métier d'architecte, qu'il apprend aux Beaux Arts et en Italie. En 1830, il est réintégré dans le corps des Ponts et Chaussées par la monarchie de juillet. Il rencontre Léonor Fresnel, le frère du savant, qui lui confie la construction d'un phare en mer, les Héaux de Bréhat. Reynaud accepte et dessine un phare combinant les robustes techniques constructives des ingénieurs britanniques et un soucis de légèreté et d'ornementation.
Le succès du chantier des Héaux de Bréhat ouvre à Reynaud une belle carrière. En 1837, alors que le phare n'est pas encore allumé, il est nommé professeur d'architecture à l'Ecole polytechnique et se marie. On comprend que l'ingénieur air marqué d'une pierre blanche cette année. "La fortune vint en quelque sorte me chercher dans cette solitude, écrit-il. Aussi ai-je gardé de Bréhat le doux et cher souvenir qui s'attache aux lieux témoins des premiers succès, du premier bonheur."
Reynaud prend la direction du Service des phares en 1846. Il la conservera jusqu'à sa retraite en 1878, dessinant la plupart des phares des côtes de France et des colonies. son enseignement, influencé par les grandes doctrines architecturales du 19ème siècle, permet de comprendre son classicisme et son goût de l'innovation qui prends corps dans la première gare du Nord et le phare Amédée.
(*) île du Signal, îlot Amède et passe du Boulary deviendront par la suite îlot Signal, îlot Amédée et passe de Boulari.